
Accident mortel des femmes de Kongoussi : 48 ans après, Saïdou Jérôme DJIGUEMDE s’en souvient comme si c’était hier
Le 7 mars 1976, sur l’axe Ouagadougou-Kongoussi, un véhicule Super Goélette, qui avait quitté « la capitale du haricot vert » pour Ouagadougou, a perdu le contrôle à l’abordage d’un pont et a terminé sa course dans un ravin, faisant 23 morts sur les 31 passagers à bord. 23 cadavres affreusement calcinés ! La quasi-totalité des victimes était des femmes, toutes membre du « Projet conjoint Haute Volta/Unesco pour l’égalité d’accès de la femme et de la jeune fille à l’éducation ». Ces femmes venaient se produire à Ouagadougou en tant que témoins vivants des merveilles que faisait le projet. Et voilà que le destin en décidait autrement au chemin du retour. Saïdou Jérôme DJIGUEMDE, l’un des survivants s’en souvient comme si c’était hier. L’équipe du journal le Curieux d’Afrique lui a rendu visite à son domicile. Dans l’interview qui suit, il n’hésite pas à nous relater les faits du drame après 48 ans, dans les moindres détails.
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Par Samiratou COMPARE (Stagiaire)
Présentez-vous et dites-nous quelle fonction occupiez-vous au moment des faits.
Je me nomme Saïdou Jérôme DJIGUEMDE. A l’époque, j’étais magasinier au Lycée mixte de Gounghin de Ouagadougou.
Que s’est-il passé exactement ?
C’était quand Mme ZONGO née GUISSOU Jeanne dirigeait le lycée mixte de Gounghin à l’époque et qui a missionné le chauffeur d’aller chercher les femmes de Kongoussi qui devaient venir à Ouagadougou pour une manifestation de l’UNESCO. Le chauffeur étant seul, il est venu me trouver et m’a demandé de l’accompagner. C’est ainsi qu’on m’a inclus dans l’ordre de mission. On a quitté Ouaga autour de 10 heures et en route on a eu une petite panne. On s’est arrêté pour arranger la panne avant de rentrer à Kongoussi ville. Les femmes ont embarqué vers 17 heures pour Ouagadougou. Après quelques kilomètres de route, il faisait sombre. Le chauffeur a mis la cote phare oubliant le problème de l’étroitesse de la route. Allant à vive allure, quand il a allumé le phare, il a senti un danger et a donc freiné brusquement. Le véhicule a percuté un pont et s’est retrouvé sur le dos. Le chauffeur s’est évanoui. Avant que le véhicule ne bascule j’avais mon chapelet et je récitais le Rosaire, j’ai été éjecté du véhicule et ai perdu connaissance sur-le-champ. Longtemps après, j’ai senti quelqu’un torcher sur moi en disant « voilà un qui est posé ici ». J’ai ouvert les yeux et j’ai réalisé ce qui s’est passé. On m’a transporté d’urgence à l’hôpital de Kongoussi. Le lendemain j’ai été évacué à Ouaga où je suis resté pendant une semaine. J’ai eu un doigt fracturé et quelques égratignures. La directrice m’a donné un congé d’un mois et j’étais sous surveillance, car on pensait que j’allais être traumatisé.
Quelle était la mission des femmes ?
Elles venaient pour assister à une manifestation que l’UNESCO avait organisée à Ouagadougou à l’occasion du 8 mars. On demandait à toutes les femmes qui étaient dans l’UNESCO d’y participer.
Les évènements après le drame
Comment aviez-vous vécu ce drame en tant que survivant ?
C’était douloureux, je n’ai pas été traumatisé mais durant la semaine j’étais abattu. Je croyais que le chauffeur vivait, quand j’ai demandé ses nouvelles, on n’a pas voulu me dire la vérité. C’est au bout de quelques jours que j’ai su qu’il a rendu l’âme. J’étais sous le choc. Car, c’est à deux qu’on a quitté Ouagadougou pour aller chercher les femmes qui sont restées dans l’accident. J’étais meurtri par le drame.
Quel était le nombre exact de passagers à bord ?
On était au nombre de 31 passagers. Seul le chauffeur et moi étions des hommes.
Quelle suite a été réservée à l’affaire ?
Après le drame, l’UNESCO a rencontré les parents des défuntes à Kongoussi pour les entendre et aussi les dédommager. Moi par contre, je n’ai pas eu gain de cause. J’attendais qu’on me convoque pour m’écouter au moins, et comme ça n’a pas été fait, je me suis dit que certainement ce n’était pas nécessaire pour eux.
Quelle a été la contribution des autorités voltaïques ?
Dès le lendemain du drame, une dame a crié en langue nationale à la radio nationale pour pleurer les femmes qui sont restées dans le drame. Ce cri faisait froid aux dos. Des pleurs, en termes mossi ! Quand tu entendais tels pleures cela signifie que c’est très dramatique.
Les familles des victimes étaient-elles satisfaites des dédommagements ?
Je n’ai pas eu vent de ça, vu que je ne faisais pas partie des personnes indemnisées.
Les femmes étaient-elles toutes des burkinabè ?
A ma connaissance toutes les femmes étaient des Burkinabè.
Avec le recul, quel commentaire pourrez-vous faire de ce qui s’est passé jusqu’à l’indemnisation des ayants droits des victimes ?
Ce que je peux dire, c’est vraiment que les autorités revoient les routes, les baliser surtout les endroits stratégiques pour que tout le monde puisse rouler avec quiétude. Récemment les autorités ont construit un monument en mémoire des femmes, ce que je trouve très honorable.