
Consultant et enseignant-chercheur à l’Université Joseph Ki-ZERBO, Dr. Saga Sawadogo accompagne Burkina Mine dans son développement. Dans cette interview qu’il nous a accordée le vendredi 28 mars dans les locaux de la Société de Coopérative avec Conseil d’Administration / Burkina Mine, il revient sur les défis du secteur minier, l’importance de la diversification des ressources et l’intégration des communautés locales dans les projets d’exploitation. Entre innovation technologique et vision stratégique, il partage sa perspective sur l’avenir du Burkina Mine
Thank you for reading this post, don't forget to subscribe!
Interview réalisée par Wendpayangdé Marcelin KONVOLBO
Le Curieux d’Afrique : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Dr. Saga SAWADOGO : Je suis Dr. Saga Sawadogo. J’ai un doctorat en ressources minérales, géologie structurale, pétro physique ou géologie minière en résumé. Je suis consultant et également enseignant-chercheur à l’Université Joseph Ki-ZERBO. J’accompagne la Société de Coopérative avec Conseil d’Administration / Burkina Mine (SCOOP-CA / BM) comme consultant principal chargé du développement des projets semi-mécanisés.
Pouvez-vous nous présenter SCOOP-CA / BURKINA MINE et ses principales activités dans le secteur minier ?
La société Burkina Mine a été créée en 2022 à Bobo et la direction générale est basée à Ouagadougou. Elle regroupe des investisseurs nationaux et évolue dans le secteur minier tout en respectant les textes réglementaires et législatifs en matière de mines, ainsi que la politique gouvernementale en la matière.
Quel est votre rôle en tant que responsable des travaux de terrain et quelles sont vos principales missions ?
En tant que responsable des travaux de terrain, ma principale mission est de découvrir une mine économiquement exploitable. Également, vous savez qu’un technicien, pour aboutir à la fin d’un projet, doit planifier, concevoir et suivre les travaux de terrain. En fin de projet, il faut faire des calculs de ressources et des estimations pour connaître la quantité de minerai présente dans le sous-sol et estimer la durée de vie de l’exploitation afin de générer un modèle économique rentable.
Quels types de ressources minières explorez-vous principalement ?
À l’image de notre pays, il faut dire que la dynamique d’ensemble est d’aller vers la diversification. Mais je peux paraphraser un peu le ministre des Mines, qui, lors de la conférence de Samao, est revenu sur le secteur minier en mentionnant que sur les 17 mines actuellement en exploitation, une seule est une mine de zinc. Tout le reste, c’est de l’or. Cela montre que le challenge futur du secteur minier est d’aller vers une diversification des substances minérales. Burkina Mine s’inscrit dans cette dynamique. Nous sommes à nos débuts et, actuellement, la mine est principalement focalisée sur l’or. Cependant, à partir de 2030, en fonction de notre vision, il faudra s’orienter vers d’autres substances stratégiques, encore plus intéressantes et rentables que l’or.
Quelles sont les étapes clés du processus d’exploration minière avant l’exploitation proprement dite ?
Pour les petits projets d’exploitation artisanale et d’exploitation semi-mécanisée, la première étape est d’établir des relations communautaires. Il faut échanger avec les populations locales et impliquer les autorités locales avant de commencer quoi que ce soit sur le terrain.
La deuxième étape est de planifier, concevoir et suivre les travaux de terrain.
La troisième étape consiste à estimer, calculer et quantifier les ressources du sous-sol, en se basant sur les données recueillies lors de l’exploration.
Concernant l’exploration des grandes mines industrielles, le processus est plus complexe. Il faut commencer par l’analyse d’images satellitaires, la documentation et la demande de permis de recherche auprès du ministère des Mines. Cette phase est plus longue que pour les petits projets miniers.
Quels sont les principaux défis techniques que vous rencontrez sur le terrain lors de l’extraction des minerais à petite échelle ?
Avec l’expérience que nous avons déjà sur le terrain, le premier défi au niveau des localités est l’acceptation du projet. C’est une phase capitale où le projet peut être accepté ou refusé. Ensuite, un autre défi est le professionnalisme des fournisseurs miniers. Au Burkina, le secteur minier s’est développé depuis 2005, mais nous avons encore besoin de fournisseurs plus compétents en matière de forage et d’exploitation minière.
Le troisième défi concerne les travaux de recherche. Même avec des géologues qualifiés, chaque mine est unique. Il est donc essentiel de comprendre le modèle de minéralisation de chaque site. La patience est aussi primordiale, car l’exploration ne doit pas être précipitée.
Quels équipements et technologies utilisez-vous pour optimiser l’extraction et la transformation des minerais ?
Dans l’extraction à petite échelle, nous utilisons principalement des machines semi-mécanisées, c’est-à-dire partiellement robotisées et en partie manuelles. Nous avons des grues électriques pour extraire rapidement le minerai, des engins d’excavation et des camions-bennes pour l’extraction en fosse. L’optimisation de la production est essentielle, car un arrêt même d’une journée peut mettre en péril la rentabilité du projet.
Pour la transformation, nous effectuons des recherches métallurgiques afin de comprendre les propriétés physico-chimiques des minéraux. L’or est extrait soit par gravimétrie pour l’or grossier, soit par attaques chimiques pour l’or fin. Nous analysons chaque étape du processus afin de minimiser les pertes et d’optimiser la récupération du minerai. Toute usine minérale s’améliore progressivement après son installation, en fonction des observations et des ajustements nécessaires.
« Nous sommes en train de former cinq jeunes en génie minier à Dano »
Nous sommes dans un monde où tout évolue. Quel est le rôle des nouvelles technologies dans l’amélioration des normes de sécurité et de productivité dans votre société, SCOOP CA BURKINA MINE ?
Effectivement, toute entreprise qui travaille dans le secteur minier doit s’inscrire dans une démarche de qualité et de management, surtout si elle veut avoir des levées de fonds au niveau des bourses et des accompagnements financiers. Donc, toute société minière de la place doit s’inscrire dans une démarche de santé et de sécurité des employés. Avec les nouvelles technologies, vous allez voir aujourd’hui que la plupart des usines que nous commandons doivent respecter ces normes et vont même aller au-delà. Je peux prendre l’exemple du bruit sonore : les usines intègrent des pousses. Ce sont des systèmes qui permettent d’amortir les vibrations et d’améliorer également la qualité de l’air. Autour de cette nouvelle technologie, il faut comprendre qu’il faut renforcer les capacités des travailleurs, leur inculquer la tradition de santé et de sécurité des normes pour qu’ils puissent bien travailler. La machine peut être aux normes et vous pouvez avoir des employés qui ne respectent pas ces normes. Donc, les deux doivent être alignés. Et au-delà de cet arrimage, il faut comprendre que la plupart des entreprises minières sont obligées de continuer de faire de la recherche pour améliorer l’environnement initial, les paramètres changeants et même les minimiser pour éviter que ceux-ci causent des dégâts futurs.
Avez-vous des projets d’innovation ou d’expansion en cours pour améliorer les performances de SCOOP CA / BURKINA MINE ?
Au niveau de Burkina Mine, il faut comprendre qu’on a un pôle de département exploitation, mais il y a aussi un pôle en recherche et développement. Le rôle de ce pôle est d’accompagner les travaux de terrain en termes d’amélioration des performances continues. C’est de créer des environnements de collaboration avec des entreprises extérieures et même au niveau national. Quelle que soit l’entreprise ou le projet à développer, le projet n’est jamais suffisant seul. Il faudra des collaborations de telle sorte que les employés et la direction générale puissent être renforcés en termes de capacités pour pouvoir répondre aux nouvelles technologies et à l’évolution des performances des entreprises d’extraction. En outre, nous travaillons avec des entreprises avec qui des protocoles seront signés bientôt. Ce qui nous permettra de récupérer par le magnétisme. C’est une innovation au Burkina Faso. À partir du moment où notre activité principale est le secteur minier, il faut que nous travaillions davantage à innover. D’autres innovations viendront par la suite pour nous permettre d’atteindre la vision 2030 qui est d’aller vers les 30 mines industrielles.
Quel est l’impact de vos activités sur l’économie locale et les communautés environnantes ?
Par rapport à cette question, c’est plus qu’une innovation à Burkina Mine. Nous avons une démarche inclusive qui est différente de l’accoutumée des sociétés minières. À Burkina Mine, la démarche d’intégration du projet est inclusive, en ce sens que nous impliquons beaucoup les autorités locales. Nous mettons les populations qui sont autour de la mine devant leur destin. En effet, l’acceptation du projet commence par la population. Aujourd’hui, ce sont jusqu’à trois projets de Burkina Mine que la population a acceptés à la base, et nous travaillons maintenant avec les autorités locales et le ministère des Mines pour être réglementaires par rapport à ce projet. L’État peut vous donner une autorisation d’exploitation aujourd’hui, vous partez sur le terrain et la population locale dit non. C’est au regard de tout cela que Burkina Mine a adopté une démarche inclusive des populations locales. Sur le terrain, nous formons les fils de la localité pour la sécurité. Par exemple, à Gnimi, nous avons formé quinze jeunes qui se relaient jour et nuit pour surveiller le matériel. Nous développons également des projets nationaux exploités par des nationaux. En ce sens, nous sommes en train de former cinq jeunes en génie minier à Dano, qui vont rejoindre le projet bientôt. C’est-à-dire que c’est leur projet aussi, et si ça marche, nous gagnons tous, mais si ça ne marche pas, chacun perd. Au-delà de tout cela, il y a la responsabilité sociétale. En la matière, toutes les doléances faites par la population locale sont examinées avec la balance financière pour voir ce que nous pouvons réaliser. Il y a, par exemple, des forages qui sont en cours à Gnimi. Dans un projet minier, si vous adoptez une démarche inclusive, que vous vous approchez des autorités locales et que vous respectez les coutumes, il n’y a pas de raison que cela ne marche pas.
Votre mot de fin
Nous tenons à vous remercier de nous avoir donné l’opportunité de nous exprimer. Je remercie également la direction générale de la société Burkina Mine, ainsi que tous les investisseurs qui sont autour de ce projet et qui nous ont fait confiance. Nous leur disons que nous nous battons pour un défi générationnel : faire en sorte que les nationaux puissent s’insérer dans le secteur minier. Non pas pour concurrencer les entreprises internationales qui sont là, mais pour démontrer que nous sommes capables de développer nos propres mines. Nous disons merci à tous les Burkinabè et nous leur demandons de prier pour que la paix revienne au Faso. Actuellement, il est difficile de mener des travaux d’exploration dans certaines localités du pays. Ce frein pourrait jouer beaucoup sur l’avenir du secteur minier. Profitons de ce mois béni pour que Dieu mette sa main sur notre nation afin que nous puissions retrouver la paix et la quiétude.