15 octobre : mémoire d’un immortel assassiné
Chaque 15 octobre, le Burkina Faso s’arrête. Le vent se fait plus lourd, la mémoire plus vibrante. Ce jour-là, le pays se souvient d’un homme qui a voulu changer le destin de son pays et celui de toute une génération africaine : le capitaine Noël Isidore Thomas SANKARA.
Assassiné le 15 octobre 1987 par son compagnon Blaise COMPAORE, il laissait derrière lui non seulement un pays en pleurs, mais surtout une idée, un idéal : celui d’une Afrique debout, fière, travaillant pour elle-même, libérée des chaînes du néocolonialisme et de la dépendance.
Trente-huit ans après, son nom continue de résonner dans les cœurs et sur les lèvres. Il vit dans les rues de Ouagadougou, dans les consciences des jeunes, dans les rêves des peuples africains toujours à la recherche de leur souveraineté véritable. SANKARA n’est pas qu’un souvenir glorieux du passé ; il est une conscience éveillée, une lumière qui continue d’éclairer la route. Son combat, sa parole, sa dignité et son intégrité sont devenus les symboles d’une révolution permanente : celle de l’homme africain face à son destin.
Aujourd’hui, dans un contexte mondial marqué par les tensions géopolitiques et la réaffirmation des indépendances, son héritage trouve un écho particulier dans la posture souverainiste et panafricaine du capitaine Ibrahim TRAORE et de ses pairs de l’Alliance des États du Sahel (AES). Entre les deux capitaines, une filiation s’impose, non par le sang, mais par les valeurs : le courage, la fidélité au peuple et la volonté de rompre avec la servitude.
Thomas SANKARA : l’homme qui voulut changer le destin d’un peuple
L’histoire du capitaine Thomas SANKARA est celle d’un idéaliste devenu chef d’État. Un militaire à la vision politique rare, un révolutionnaire profondément humaniste. Lorsqu’il prenait le pouvoir le 4 août 1983, à seulement 33 ans, il portait sur ses épaules un projet inédit : reconstruire un pays pauvre, endetté et dépendant, sur la base de la dignité, du travail et de la solidarité. SANKARA voulait libérer son peuple non seulement du joug matériel, mais aussi de l’aliénation mentale. Pour lui, la vraie révolution était d’abord celle des consciences. Il répétait : « L’esclave qui n’est pas capable d’assumer sa révolte ne mérite pas qu’on s’apitoie sur son sort. (…) Seule la lutte libère. »
En quatre années de pouvoir, il a bouleversé la structure sociale, économique et culturelle du Burkina Faso. Il a promu la justice sociale, l’émancipation des femmes, la lutte contre la corruption et la gestion vertueuse des biens publics. Il a transformé le visage du pays par une politique d’autosuffisance alimentaire, de santé communautaire et d’éducation pour tous. Les campagnes de vaccination massives, la plantation de millions d’arbres contre la désertification, la construction de logements et d’écoles grâce au volontariat : autant de réalisations qui, encore aujourd’hui, inspirent les programmes de développement durable.
Mais SANKARA, c’était aussi une parole libre et une pensée lucide sur la domination internationale. À la tribune des Nations Unies, en 1984, il dénonçait avec un courage rare le système impérialiste et appelait les peuples africains à se libérer du fardeau de la dette :
« Si le Burkina Faso tout seul refuse de payer la dette, je ne serai pas là à la prochaine conférence. Mais si tous ensemble, nous refusons de payer, alors nous serons libres. »
Ces mots résonnent encore comme une prophétie. Sankara dérangeait parce qu’il incarnait la cohérence : il vivait comme il parlait. Il refusait les voitures de luxe, interdisait les privilèges, exigeait la ponctualité et prêchait par l’exemple. Son intégrité morale et sa fidélité au peuple le plaçaient à des années-lumière des dirigeants qui avaient troqué la souveraineté contre le confort. Son assassinat, le 15 octobre 1987, fut plus qu’un drame politique : ce fut une tentative de meurtre contre un idéal. Mais l’histoire est tenace. L’homme est tombé, mais sa pensée demeure. Car comme il l’avait lui-même prédit : « Tuer SANKARA, des milliers de SANKARA naîtront. »
Le sankarisme : une flamme inextinguible dans la conscience africaine
Depuis 1987, les années ont passé, les régimes se sont succédé, mais la figure de SANKARA n’a jamais cessé de hanter la conscience africaine. Dans les esprits, il n’est pas un héros mort, mais un repère vivant. Un modèle moral, un symbole de droiture et de courage politique. Ses idées ont franchi les frontières du Burkina Faso. Elles ont inspiré des mouvements citoyens en Afrique de l’Ouest, nourri les combats pour la justice sociale et ravivé la fierté africaine face à un monde globalisé où la domination change de visage sans jamais disparaître.
Son message d’autonomie et d’unité africaine, autrefois perçu comme utopique, prend aujourd’hui tout son sens à l’heure où les nations du Sahel s’unissent pour résister aux pressions extérieures et repenser leur avenir collectif.
Le sankarisme, ce n’est pas un dogme figé. C’est un état d’esprit : celui de la responsabilité, du patriotisme et du refus de la compromission. C’est la conviction que la dignité d’un peuple ne se négocie pas, « elle s’arrache » et se défend chaque jour. Dans les rues du Burkina, les fresques à son effigie, les statues, les chansons et les poèmes rappellent qu’il reste une source d’inspiration inépuisable. Pour la jeunesse africaine, il représente la preuve que l’audace et l’intégrité peuvent triompher des fatalismes. Les jeunes burkinabè, maliens, nigériens, sénégalais ou tchadien qui se lèvent aujourd’hui pour réclamer la souveraineté et la justice sociale ne font, en réalité, que reprendre le flambeau sankariste. Cette renaissance du sankarisme trouve une expression politique concrète dans l’Alliance des États du Sahel (AES). L’esprit de cette alliance — solidarité, souveraineté, sécurité et développement endogène — rappelle les idéaux portés par SANKARA. Il appelait déjà à l’union des peuples africains, convaincu qu’aucune nation ne peut se libérer seule. Il disait : « L’Afrique doit s’unir ou périr ». Aujourd’hui, ce mot d’ordre retrouve une pertinence éclatante.
Ibrahim Traoré : la continuité d’un idéal de dignité et de souveraineté
En observant les actions du capitaine Ibrahim TRAORE, beaucoup y voient le reflet d’une génération nouvelle, décidée à rouvrir les chemins tracés par SANKARA. Il ne s’agit pas d’imitation, mais de continuité historique. À l’instar du héros de 1983, Ibrahim TRAORE incarne un leadership jeune, patriote et sans complexe. Dans ses discours, les mots “souveraineté”, “intégrité”, “travail” et “dignité” reviennent comme des leitmotivs.
Le contexte est certes différent, mais les défis sont semblables : sécuriser le territoire, reconstruire l’unité nationale, redonner confiance au peuple et libérer l’économie des dépendances extérieures. Face à ces défis, le président du Faso choisit la voie de la résilience, du courage et du panafricanisme. Il assume la rupture avec les logiques d’assistanat, redéfinit la coopération internationale sur la base du respect mutuel et prône l’émancipation intellectuelle et culturelle.
Sous sa direction, le Burkina Faso se repositionne au cœur d’une dynamique sahélienne de refondation. Avec le Mali et le Niger, il fonde l’AES, alliance militaire, économique et politique qui entend défendre les intérêts des peuples du Sahel et bâtir une nouvelle voie d’intégration, loin des tutelles.
Cette initiative résonne comme une réponse contemporaine à l’appel de SANKARA. Là où celui-ci rêvait d’une Afrique indépendante, Ibrahim Traoré et ses pairs travaillent à en poser les fondations concrètes. Là où SANKARA dénonçait le colonialisme économique, l’AES prône la coopération équitable et la mutualisation des ressources.
Le peuple burkinabè, perçoit en Ibrahim TRAORE un héritier spirituel de la révolution sankariste. Sa simplicité, sa proximité avec la population, sa fermeté face aux pressions extérieures rappellent, à bien des égards, la posture du capitaine de la révolution.
Loin d’une adulation aveugle, c’est une confiance lucide que le peuple lui accorde : la conviction qu’il porte une mission historique, celle de continuer le combat pour la souveraineté intégrale du Burkina Faso et, par extension, du Sahel.
Le Burkina Faso, par son histoire et ses épreuves, reste un phare pour l’Afrique. La mémoire de SANKARA y est plus qu’un héritage : c’est une responsabilité collective. Chacun, à son niveau, doit être le gardien de cet idéal. Car comme il le disait : « Nous devons accepter de vivre africains, c’est la seule façon de vivre libres et dignes. »
La rédaction
