Conçu dès 1876 pour faciliter la communication à distance entre les humains, le téléphone portable a connu de nombreuses évolutions. De nos jours, les smartphones et autres téléphones Androïd envahissent le monde et créent du même coup une catégorie de métiers liés à leur réparation ou dépannage. Dans la mesure où leur résistance aux chocs est limitée. C’est pourquoi il y a des techniciens d’informatique mobile couramment appelés réparateurs de téléphone qui se plaisent dans ce métier, alors même que nombre d’entre eux n’ont jamais reçu de formation à cet effet. Nous avons rencontré certains de ces « techniciens en herbe » à Ouagadougou pour comprendre les contours d’une occupation professionnelle dont eux seuls ont le secret.
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Rose Marie SEGRADO & Rachidatou SIENOU
Autant la passion se cultive, autant elle alimente la curiosité et les deux constituent le moteur essentiel pour une personne désireuse d’atteindre des objectifs professionnels. En écoutant les réparateurs de téléphone rencontrés dans la ville, l’on devine aisément que le savoir-faire qu’ils possèdent n’est pas le fruit du hasard. Sans formation de base ni diplôme en Brevet de technicien supérieur (BTS) ou en Diplôme universitaire de technologie (DUT), ils sont devenus aujourd’hui des génies du téléphone mobile.
Jean Kafando dit Rasta, réparateur de téléphone depuis 2002, peut dépanner toutes les marques de téléphone qui entrent dans son atelier. Il confie que c’est la curiosité qui l’a conduit dans ce milieu, sans la moindre formation, dit-il, ce d’autant qu’à l’époque il n’y en avait même pas, selon ses mots. Mais au fil des années, il a dû acquérir plus d’expérience si bien qu’aucune panne portable ne lui semble plus étrange. Ce qui étonne, c’est qu’il a lui-même formé plus de six jeunes qui ont ouvert chacun son propre atelier, actuellement.
Benjamin Tiemtoré répare les téléphones dans le village de Kounda situé dans la commune de Saponé depuis quatre ans. Benjamin a eu juste trois jours pour apprendre la réparation des téléphones avant de se lancer, non sans difficultés souvent pour détecter certaines pannes.
Cependant, avec la rage de gagner son pain en qualité de futur réparateur bien connu, il s’est engagé à réussir vaille que vaille. Sa démarche au départ consistait à récupérer les téléphones en panne des clients et à les remettre à un autre réparateur plus expérimenté que lui, qui détecte la panne et répare le téléphone sous son regard attentif. C’est ainsi que le jeune garçon va évoluer et finira par avoir la main. A ce jour, rien ne lui est étranger dans le milieu.
Issa Sana a eu plus de chance, puisque son grand frère exerçait déjà dans le domaine et c’est à l’ombre de cet aîné qu’il a appris, six à sept ans durant. Après quoi son frère lui aménage un petit atelier au marché où il se débrouillera. Quelques années après, il quittera son atelier pour emménager un peu plus loin du marché. Une décision qu’il explique par le fait des contrôles de police relativement aux stationnements des engins de ses clients et aux heures de fermeture du marché qu’il trouve tôt. Il se plait dans son nouveau coin où il peut travailler et descendre à l’heure qu’il veut, ce qui lui permet de respecter les rendez-vous donnés aux clients, soupire-t-il. En déménageant du site à côté du marché, il était loin d’imaginer avoir encore autant de clients comme avant.
Comme l’avait dit le réparateur Jean Kafando dit Rasta ”quand tu connais, tu connais” et Issa a eu l’agréable surprise de constater que ses clients anciens ne l’ont pas abandonné. Il était pourtant habité par la peur : “ Lorsque je suis arrivé ici, c’est comme si je n’avais pas bougé. Je suis installé entre deux agences du réseau téléphonique “Orange”, l’indication est donc facile et les clients n’ont pas du mal à me retrouver”, s’est-il réjoui. Il fait observer qu’il a pu former trois autres jeunes qui ne travaillent plus avec lui. Par contre, cinq autres jeunes bossent encore avec lui. Lorsqu’on arrive à l’atelier de Ousséni Kaboré non loin de Zabr-Daaga, le monde des clients semble révéler la confiance qu’on voue au réparateur qui a d’abord travaillé comme mécanicien avant de s’intéresser à la réparation des téléphones portables. A l’entendre, certains métiers sont des tremplins qui aident à accéder facilement à d’autres bien plus importants. S’agissant de formation, il la résume aux cinq années passées auprès d’un réparateur qu’il considère comme son «formateur» grâce à la collaboration et aux conseils duquel il est aujourd’hui indépendant. A ce jour, une vingtaine de personnes travaillent à son compte. Ses collaborateurs l’ont surnommé “Le Chinois” à cause des multiples voyages qu’il effectue entre les capitales burkinabè et chinoise, Ouagadougou et Pékin, qu’il met à profit pour rencontrer des partenaires. “Pendant mes voyages, j’emporte au moins une quarantaine de portables que je remets aux Chinois dont certains sont des fabricants de téléphones, pour réparation. Bien que ces pannes soient souvent réparées par les Chinois lors de son séjour, il fait observer que ces mêmes Chinois ne parviennent pas à résoudre certaines pannes.
Le réparateur a beau être un génie de la téléphonie mobile, confie Ousseni Kaboré, certaines pannes dépassent ses compétences. Une vérité partagée par beaucoup d’entre ces pairs réparateurs dont certains sont véritablement « des génies en herbe ». De toute évidence, chaque réparateur de portables a sa spécialité, au regard de la nature des anomalies signalées par les clients, de son point de vue. Raison pour laquelle, face aux difficultés de dépannage de certains portables, des réparateurs sous-traitent avec d’autres pour préserver la relation de confiance avec la clientèle, selon des réparateurs exerçant à Somgandé, Kalgondin, Roodwoko et au quartier 1200 Logements.
Le dépannage, simple entêtement ou hasard ?
« Un réparateur peut se fier au génie d’un autre, lorsque la panne dépasse ses compétences », confient plus d’un réparateur. Comme dans tout travail, ce métier aussi a ses difficultés, ses mystères et ses risques. « Un téléphone peut ne plus s’allumer après réparation, tout comme un autre qui ne répondait plus du tout peut fonctionner normalement », nous font-ils.
Dans le cas des portables réparés qui ne donnent plus, certains clients fulminent et exigent un autre portable au réparateur ; d’autres par contre sont compréhensifs et patients, ajoutent-ils. Malgré toutes les certitudes, le domaine de la réparation des téléphones semble parfois mystérieux, et détecter telle ou telle anomalie, réparer ou arranger telle marque de portable ou telle autre relève parfois de l’entêtement ou du hasard, nous assurent certaines voix parmi les plus humbles réparateurs de portables, quoi qu’ils recourent souvent au « testeur ». Une machine utilisée pour détecter les pannes de téléphone, explique Issa Sana.
Mais pour Ousséni Kaboré, quand on a assez d’expériences dans le domaine, pour certaines pannes, pas besoin de recourir au testeur. Un point de vue que partage Benjamin Tiemtoré dont l’atelier de réparation de portables à Saponé refuse parfois du monde.
Si les coûts de réparation diffèrent d’un réparateur à l’autre, il n’y a pas de doute que cela soit le fait de la diversité des appareils à réparer, de la nature et de la multiplicité des anomalies et, parfois, de la compétence du réparateur. Les réparateurs sont unanimes à dire que le métier nourrit bien son homme. Bon nombre d’entre eux déclarent avoir pu faire des réalisations grâce aux revenus générés par cette activité. Entre autres, la prise en charge des familles, les mariages pour ceux qui étaient célibataires, l’achat de moyens de déplacement pour d’autres, la construction de maisons pour d’autres encore…