
Cheick Aboubacar Traoré de Sissamba : Près de 8 mois après son arrestation, ses proches implorent le capitaine Ibrahim Traoré de le libérer
Cheick Aboubacar Traoré, du nom de ce prédicateur qui avait fait parler de lui en début d’année 2024 dans la province du Yatenga, plus précisément à Sissamba. A 32 ans révolus, l’homme s’était fait l’ennemi numéro un des terroristes, puisqu’il prétendait contrer leur avancée à travers la lecture du Coran. Dans une interview exclusive qu’il nous avait accordée dans notre édition numéro 355 du vendredi 1er mars 2024, il affirmait ceci : « Quand je réinstalle un village, un terroriste n’a plus envie d’y revenir ». Et comme s’il défiait l’autorité, Aboubacar Traoré a été arrêté à l’aube du 23 avril 2024. Depuis, ses proches sont sans nouvelles de lui et entendent plaider auprès du chef de l’Etat, le capitaine Ibrahim Traoré, pour sa libération.
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Qui, au Yatenga n’a pas encore entendu parler du Cheick de Sissamba ? De Ouahigouya à Séguénéga, de Koussouka à Kalsaka en passant par Youba, Zogoré, Namissiguima, Oula jusqu’à Thiou, la légende qui entoure Aboubacar Traoré est encore vivace dans les esprits. Mieux, le Burkina tout entier garde le nom d’un orateur-né, donc harangueur de foules acquises à sa cause. La cause ? Il prétendait avoir des connaissances coraniques capables d’anéantir les terroristes. Du coup, vont naître deux camps diamétralement opposés.
Les premiers sont les admirateurs, qui ne jurent que par Aboubacar Traoré. Les seconds sont sans doute ses détracteurs pour qui ce dernier est tout sauf un sauveur. Et voilà une véritable controverse qui va tenir l’opinion en haleine. Le principal concerné, lui, n’est pas resté avare en déclarations fracassantes défiant parfois l’autorité et traitant certains de ses collègues cheicks de’’ jaloux’’. Il est allé jusqu’à critiquer Sa Majesté Naaba Kiiba, le 49è Roi du Yatenga, sur le mode de désignation des chefs de canton.
Pendant ce temps, sa popularité ne faisait que croître de jour en jour. Ceux qui ont l’intention de retourner dans leur village d’origine déguerpi sont tenus de suivre à la lettre les recommandations du prédicateur : cotiser de l’argent et acheter un chameau pour la lecture du Coran. ‘’Si le rituel est correctement exécuté, aucun terroriste ne peut encore mettre les pieds dans ce village‘’ nous a-t-il dit en mars dernier. Mais, le 21 avril, tout bascule ! Lors d’une sortie dans la commune de Séguénéga, deux personnes qui font partie de sa propre sécurité tombent sur une mine et meurent sur le champ. C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Le 23 avril 2024, vers 3 heures du matin, le Cheick est cueilli alors qu’un nombre impressionnant d’éléments de forces de l’ordre quadrille sa résidence. Un de ses plus proches collaborateurs qui a requis l’anonymat raconte les circonstances de son arrestation : « Dans la matinée du 21 avril, nous sommes partis du domicile du Cheick vers 8heures. Les habitants de Séguénéga ont demandé au Cheick de venir libérer leur zone. Avant notre départ, le Cheick nous a clairement signifiés que personne ne doit lui montrer là où il doit faire escale. C’est plutôt Dieu qui commande la route. Ceux qui ont sollicité l’aide du guide prévoyaient 100 VDP pour l’accompagner. Mais rien n’y fit. Les gens de Séguénéga pensaient que leur hôte passerait chez le chef avant de continuer et l’y attendaient. Il a pris tout le monde de court et s’est dirigé directement vers le village de Sima. A l’entrée de Sima, nous avons constaté la présence de nombreux terroristes sur la colline. A cet instant précis, j’observais avec attention les mouvements du Cheick qui faisait comme si de rien n’était. Puis, brusquement, nous avons entendu le bruit assourdissant d’un objet explosif. Un d’entre nous tentait de filmer, j’ai opposé un niet catégorique. Et pourtant, l’objet n’a pas explosé lorsque nous passions avec le Cheick. Dans la foulée, une personne tombe dans un trou et trouve une blessure légère au menton. Très humblement, le Cheick s’arrête pour se préoccuper de lui. Il lui a notamment remis de l’argent pour aller se soigner. Quand nous sommes arrivés à Sima, la lecture du Coran s’est bien passée. Mais vers la fin, nous avons vu des terroristes arriver en masse avec des armes lourdes. Ils ont commencé à tirer sur nous. La détonation était terrible et les balles passaient de partout. Je faisais partie de ceux qui se sont couché à plat le ventre. Quant à notre guide religieux, il criait :’’ ne fuyez pas, rien ne va vous arriver’ ’. Torse nu, armé d’une machette bien aiguisée, le Cheick part à la trousse des ennemis. Il est revenu 30 minutes plus tard et nous rassure qu’ils ont pris la poudre d’escampette. Nous avons passé la nuit à Sima dans la quiétude. Mais au moment de la débandade, deux personnes qui assuraient la sécurité du Cheick, qui ont tenté de fuir sont allées tomber sur une mine. Nous les avons trouvées inertes dans une maison inhabitée, mais curieusement sans blessures sur leur corps. Nous sommes revenus à Sissamba le 22 avril vers 15 heures. Et aux alentours de 17heures, le prédicateur a commencé à recevoir beaucoup d’appels venant des autorités désirantes lui parler le lendemain. Mais quelle ne fut pas notre surprise le 23 avril au petit matin de constater que toute la résidence du Cheick était encerclée par des forces de l’ordre. Un de leur chef a demandé que notre imam le suive. Ce qu’il fit. Et depuis, nous n’avons pas de ses nouvelles. Voilà comment j’ai vécu de plus près la situation » Et Arouna Sawadogo, un autre proche d’ajouter : « Vendredi dernier, nous avons demandé à chacun de cotiser de l’argent pour qu’on aille donner à la famille du Cheick. Son père et ses deux épouses sont inquiets de ce qui pourrait lui arriver. Nous sommes actuellement dans l’embarras total et nous voudrions implorer l’indulgence du chef de l’Etat lui-même, le Capitaine Ibrahim Traoré afin que son implication puisse dénouer la situation » Yacouba, un neveu du Cheick conclut : « Le jour de son arrestation, j’ai voulu aller avec lui et on m’a rétorqué qu’il n’en est pas question. On nous a surtout intimés l’ordre de ne plus réunir plus de 10 personnes dans sa famille. Les gens mal intentionnés ont travaillé à saper l’image de marque de notre idole. Il était venu pour sauver tout le Yatenga ». Pour sa part, un guide religieux bien connu au Yatenga s’en réjouit : « Son arrestation était prévisible. Les autorités ont bien fait de limiter les dégâts. L’homme lui-même n’est pas humble et n’a aucun respect pour les militaires au front. Qu’il aille goûter aux délices du front »