
Edito/France-Afrique : entre ingratitude et malentendus persistants
Lors de la 30e conférence des ambassadeurs à Paris, le lundi 6 janvier 2025, le président français Emmanuel Macron a une fois de plus suscité une vive controverse en évoquant les relations tumultueuses entre la France et l’Afrique. Devant un parterre de diplomates, il a lancé des propos acerbes, déclarant que certains pays africains devraient se montrer plus reconnaissants envers la France pour les « services » qu’elle leur a rendus au fil des décennies. Cette sortie, perçue comme condescendante et paternaliste par beaucoup, n’a pas tardé à faire réagir les dirigeants africains, notamment ceux du Tchad et du Sénégal.
Thank you for reading this post, don't forget to subscribe!En qualifiant l’attitude de certaines nations africaines d’« ingratitude », Emmanuel Macron a semblé s’inscrire dans la continuité d’une longue tradition de discours oscillant entre partenariat et supériorité morale. Cette sortie intervient dans un contexte où la France est déjà confrontée à un rejet croissant de sa présence militaire et diplomatique sur le continent. Le discours du président, s’il visait probablement à souligner le rôle historique de la France en matière de coopération sécuritaire et économique, a cependant été interprété par de nombreux observateurs comme une tentative « maladroite » de rappeler une dette morale que les pays africains ne sont plus disposés à reconnaître.
Au Tchad, les propos de Macron ont été accueillis avec une grande froideur. Le porte-parole du gouvernement tchadien, Abderaman KOULAMALLAH, a dénoncé des remarques « humiliantes et déconnectées de la réalité des partenariats modernes ». Du côté du Sénégal, pays souvent présenté comme l’un des partenaires les plus stables de la France, le ton n’a pas été moins sévère. Dakar a rappelé que les relations entre nations doivent reposer sur le respect mutuel et l’égalité des partenaires, et non sur une logique de dépendance ou de recevabilité.
Un discours symptomatique d’une relation en mutation
Les propos de Macron témoignent des défis auxquels la diplomatie française est confrontée en Afrique. La montée des sentiments anti-français, illustrée par le retrait des troupes de plusieurs pays du Sahel, ainsi que l’influence croissante de nouvelles puissances comme la Russie ou la Chine, forcent Paris à réévaluer ses approches. Cependant, des déclarations comme celles du 6 janvier montrent que les réflexes anciens demeurent tenaces.
Le partenariat entre la France et l’Afrique ne peut plus reposer sur les fondements post-coloniaux. Les populations africaines, jeunes et de plus en plus informées, aspirent à des relations équilibrées, tournées vers l’avenir. Le discours moralisateur et paternaliste n’a plus sa place dans un monde où les nouvelles générations africaines revendiquent leur souveraineté politique et économique.
L’échec d’une approche unilatérale
Ce nouvel épisode illustre également l’échec de l’approche souvent perçue comme unilatérale de la diplomatie française. Le recours constant à la rhétorique de la « reconnaissance » pour des interventions militaires ou des partenariats économiques tend à occulter les intérêts stratégiques bien compris de la France sur le continent. Loin d’être des actes altruistes, les engagements français ont toujours été motivés par des considérations géopolitiques, énergétiques et économiques.
Plutôt que de cultiver un discours de redevabilité, Paris gagnerait à s’engager dans une politique d’écoute, basée sur des valeurs de co-construction et de respect des aspirations africaines. Il est temps pour la France d’accepter que l’Afrique n’est plus le pré carré d’autrefois, mais un ensemble de nations souveraines dont les citoyens sont capables de choisir leurs partenaires et leurs orientations.
La sortie d’Emmanuel Macron, loin de renforcer l’image de la France en Afrique, risque de creuser un peu plus le fossé qui sépare désormais les deux partenaires historiques. Pour apaiser les tensions, un dialogue sincère et égalitaire est nécessaire, où ni les leçons de morale ni les rappels d’une prétendue dette de reconnaissance n’ont leur place. Le futur des relations franco-africaines repose sur une compréhension mutuelle des défis partagés, où respect et pragmatisme doivent primer.
Par Wendpayangdé Marcelin KONVOLBO
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