Le Soudan traverse depuis avril 2023 une guerre civile d’une intensité dramatique, qui oppose deux hommes forts du pays : le général Abdel Fattah al-Burhan, chef de l’armée régulière, et le général Mohamed Hamdan Dagalo, dit Hemedti, à la tête des Forces de soutien rapide (FSR). Cette guerre est née d’une rivalité pour le pouvoir entre deux alliés de circonstance qui avaient pris le contrôle du pays après la chute du président Omar el-Béchir en 2019. Leur alliance s’est effondrée lorsqu’il a été question de fusionner les FSR dans l’armée nationale, une mesure prévue dans le cadre de la transition politique vers un gouvernement civil. Chacun craignait de perdre son influence militaire, politique et économique, ce qui a conduit à une confrontation ouverte.
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Depuis, le pays s’est enfoncé dans un chaos total. La capitale Khartoum, autrefois cœur politique et économique du Soudan, est devenue un champ de ruines. Les combats se sont étendus à d’autres régions, notamment au Darfour, où les violences ethniques et les exactions rappellent les heures sombres du début des années 2000. Les civils sont pris au piège des affrontements, sans accès à la nourriture, à l’eau potable ni aux soins de santé. Les bombardements et les pillages ont détruit les infrastructures essentielles, plongeant des millions de personnes dans la détresse. Selon les organisations humanitaires, plus de vingt-cinq millions de Soudanais ont aujourd’hui besoin d’une aide d’urgence, et des millions d’autres ont fui vers les pays voisins, comme le Tchad, l’Égypte ou le Soudan du Sud.
Les causes profondes du conflit dépassent la simple rivalité entre deux généraux. Elles s’enracinent dans les faiblesses structurelles de l’État soudanais, marqué par des décennies de dictature, de corruption et d’exclusion politique. L’absence d’institutions démocratiques solides, la marginalisation de certaines régions et le contrôle des ressources naturelles, notamment de l’or, ont créé un terrain propice aux ambitions personnelles et aux guerres d’intérêts. Les Forces de soutien rapide, issues des anciennes milices janjawids du Darfour, tirent une partie de leur pouvoir de leur contrôle sur plusieurs mines d’or, qui leur procurent d’importantes ressources financières. Ce contrôle économique alimente leur autonomie militaire et leur capacité à prolonger le conflit.
La dimension internationale du conflit est également déterminante. Certains pays de la région jouent un rôle indirect en soutenant l’un ou l’autre camp. L’Égypte est accusée d’appuyer l’armée de Burhan, tandis que les Émirats arabes unis seraient proches des FSR d’Hemedti. Ces appuis extérieurs contribuent à prolonger la guerre, rendant toute solution interne plus difficile à atteindre. Les tentatives de médiation de l’ONU, de l’Union africaine et de l’IGAD n’ont pas encore abouti à un cessez-le-feu durable, en raison du manque de confiance entre les belligérants et de la faiblesse du pouvoir civil.
Sur le plan économique, le pays est au bord de l’effondrement. L’inflation est galopante, les banques sont fermées, les marchés paralysés et la monnaie soudanaise a perdu une grande partie de sa valeur. La production agricole, essentielle pour la survie des populations rurales, a fortement diminué à cause de l’insécurité et des déplacements massifs. Dans ce contexte, les populations vivent dans la peur et l’incertitude, dépendant presque entièrement de l’aide humanitaire internationale, souvent entravée par les combats.
La guerre au Soudan représente aujourd’hui une menace pour la stabilité de toute la région. Les flux de réfugiés exercent une pression considérable sur les pays voisins déjà fragiles. La prolifération des armes, l’apparition de groupes armés transfrontaliers et la montée des tensions communautaires pourraient avoir des répercussions au-delà des frontières soudanaises. Le risque d’un éclatement du pays en plusieurs zones d’influence, contrôlées par différents groupes armés, devient de plus en plus réel.
À ce jour, aucune issue politique claire ne se dessine. Les deux camps restent déterminés à s’imposer par la force, tandis que la population civile en paie le prix. La communauté internationale se montre divisée et prudente, consciente de la complexité de la situation. Pourtant, une paix durable ne pourra être obtenue que par une véritable transition vers un pouvoir civil inclusif, fondé sur la justice, la réconciliation et la reconstruction de l’État. Sans un effort coordonné, le Soudan risque de sombrer durablement dans le chaos, entraînant avec lui toute une région déjà vulnérable.
Source: Karim KOANDA
