Le duo Diomaye Faye- Ousmane Sonko au pouvoir au Sénégal attire toutes les attentions du monde depuis l’élection du premier comme président de la république et sa nominattion du second comme Premier ministre sénégalais. Un duo politique voué au même sort que des précédents que le pays a connus, de l’avis de plus d’un observateur pour qui Sonko pourrait éclipser son président en lui faisant de l’ombre. En effet, comme ce duo de fer, l’exécutif sénégalais a été marqué depuis les années d’indépendance par des personnalités très fortes au sommet. De 1960 à décembre 1962, Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia, membres du même parti, gèrent un exécutif à deux têtes. Senghor est chef de l’Etat et Dia président du Conseil, à savoir le premier ministre. Les deux amis avaient des visions politiques différentes, même si le président Senghor était préoccupé par la politique extérieure du pays et son ami Dia absorbé par la politique intérieure.
Thank you for reading this post, don't forget to subscribe!Dans ce système bicéphale évoluant dans un environnement politique sus forte influence de la métropole française, l’aggravation subite des tensions entre les deux leaders suite à des désaccords profonds dégénère en conflit ouvert entre eux, aboutissant à l’arrestation de Mamadou Dia le 18 décembre 1962 et sa condamnation à la déportation à perpétuité en 1963 avant qu’il ne soit libéré en 1974, marquant ainsi la rupture entre les deux têtes de l’Etat et le début d’un régime présidentiel, adopté par référendum depuis mars 1963, avec la prééminence de la fonction présidentielle.
Deux autres personnalités de l’Etat ont suivi cet épisode, à savoir le président Abdou Diouf, qui succède à Senghor, et son premier ministre Habib Thiam. Une amitié intime de près de 50 ans entre les deux compagnons à la tête du Sénégal qui sera à l’épreuve du pouvoir entre 1981 et 1998. Là aussi, les divergences politiques entre les deux leaders auront raison du duo qu’ils ont constitué depuis des décennies. Connu pour sa liberté de ton et son indépendance qu’il a toujours revendiquées, le premier ministre Thiam s’opposera aux dérives présidentialistes du régime dont il est pourtant un des grands acteurs. Diouf va supprimer le poste de premier ministre en 1983, sans avoir averti Thiam qui vit cela comme une trahison de son fidèle compagnon qui restaure le poste et fait à nouveau appel à Thiam qui retrouve son poste de premier ministre en avril 1991 jusqu’en juillet 1998.
La rivalité politique et la lutte de pouvoir vont installer une dualité féroce entre le président Abdoulaye Wade et son premier ministre Idrissa Seck entre 2000 et 2004, alors qu’une relation de confiance les lie depuis de longues années de combat politique. Les tensions sur fond de corruption, de détournements de fonds et de lutte politique finissent par avoir raison du duo. Seck est destitué de son poste en 2004, passe par la case prison en juillet 2005 pour détournement dans l’affaire des chantiers de Thiès avant d’être libéré en février 2006. La dualité au sommet de l’Etat s’est estompée avec l’arrivée à la tête du pays en 2012 de Macky Sall qui instaure un hyper-présidentialisme, avec une mainmise sur les pouvoirs judiciaire et législatif.
Non sans judiciarisation de l’espace politique par le Président Sall qui fait de la Justice un levier pour emprisonner et éliminer ses opposants des joutes électorales. Sous son règne, l’administration publique sénégalaise est gangrenée par le népotisme et la politisation à outrance. Ce qui d’ailleurs amènera le candidat potentiel du PASTEF à l’élection de 2024, Ousmane Sonko, en prison, ainsi que son bras droit Diomaye Faye, avec à la clé l’invalidation de la candidature de Sonko et sa radiation des listes du fichier élctoral. Libérés quelques temps après un tour de passe-passe politique à la Sall, Sonko met en selle Faye qu’il présente au peuple sénégalais comme son remplaçant à l’élection présidentielle qui consacre la victoire de Faye dès le premier tour.
La conscience des enjeux du moment
Pour des observateurs avertis, même le risque d’une dualité à la tête de l’Etat existe, la nomination de Sonko comme premier ministre tempère les pouvoirs du président de la république, rationalise de fait l’hyperprésidentialisme. Ce qui écarte toute dualité au sommet de l’Etat, cela d’autant plus qu’Ousmane Sonko a été l’élément catalyseur, la cheville ouvrière de la brillante et éclatante victoire de Diomaye Faye en mars 2024. Le contexte global africain caractérisé par l’affirmation de la souveraineté des pays vis-à-vis des grandes puissances, la France notamment, constitue une des chances du duo Faye-Sonko. Et à bien des égards, le président Faye est présenté comme un homme intelligent, pondéré, sans ego surdimensionné et structuré.
Sonko aussi mesure les enjeux de la gouvernance vertueuse prenant en compte les aspirations des Sénégalais. Si chacun des deux hommes reste conscient de l’étendue de ses pouvoirs, conscient de l’espoir que le peuple sénégalais a placé en eux, dans une une dynamique nouvelle où la nouvelle race de dirigeants africains veut redessiner les contours des rapports des pays africains avec les ex-puissances colonisatrices, il n’y aura aucun risque que les deux compagnons se brouillent les relations. Le pouvoir est tentant, certes, mais il faut s’inventer une âme de grand homme d’Etat pour être à la hauteur du Sénégal. Et le duo Faye-Sonko en est bien capable. Ne serait-ce que pour ancrer dans l’esprit du Sénégalais moyen que le règne de Macky Sall a été un accident de l’histoire.