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Depuis le mercredi des Cendres, marquant le début du carême catholique, les fidèles, conformément à la prescription de l’Église catholique, entrent dans un temps de pénitence, de prière et de partage. C’est un temps de conversion et de préparation à la fête pascale. Dans cette interview qu’il nous a accordée le jeudi 20 mars 2025 à Ouagadougou, Abbé Ignace Kabré, vicaire à la paroisse Saint-Pierre de Gounghin, revient en détail sur les fondements et la spécificité de ces quarante jours d’introspection spirituelle.
Thank you for reading this post, don't forget to subscribe!Interview réalisée par Rose Segrado
Présentez-vous à nos lecteurs.
Je suis Abbé Ignace Kabré, originaire de la paroisse de Tanghin-Dassouri, ordonné prêtre le 1ᵉʳ juillet 2023. Je suis actuellement vicaire à la paroisse Saint-Pierre de Gounghin dans l’archidiocèse de Ouagadougou.
Qu’est-ce que le carême catholique et quelle est sa signification selon l’Eglise ?
Ce mot vient du latin quadragesima, qui veut dire quarante jours. Le peuple d’Israël, en sortant d’Égypte, a marché dans le désert pendant quarante ans pour aller vers une nouvelle terre. Jésus aussi, avant de commencer sa mission, poussé par l’Esprit Saint, a été au désert pendant quarante jours. Le chiffre quarante symbolise alors le temps de préparation à un nouveau départ. Le carême était désigné comme la période des quarante jours, réservée à la préparation de Pâques et marquée par l’ultime préparation des catéchumènes qui doivent recevoir le baptême le jour de Pâques. Cependant, cette pratique est étendue à tous les fidèles. Les quarante jours deviennent pour le chrétien un temps de conversion sincère, de prière et de partage, pour célébrer saintement Pâques.
Quelles sont les similitudes et les divergences entre le carême catholique et le jeûne pratiqué dans d’autres confessions religieuses ?
Le mot en lui-même donne déjà la différence. Chez nous, on parle de carême et non de jeûne. C’est quarante jours de jeûne, de prière et de partage. Chez les musulmans, c’est trente jours qu’ils jeûnent pour se réconcilier davantage avec Dieu. Mais les chrétiens eux-mêmes font cet amalgame quand ils parlent de jeûne chrétien ou de jeûne musulman. Il y a néanmoins des similitudes, car chez les chrétiens comme chez les musulmans, il y a le jeûne, la prière et le partage. Même si, chez les musulmans, le jeûne est fait pendant trente jours. En plus, il y a une heure de jeûne et une heure de rupture. Pourtant, chez les catholiques, le jeûne et l’abstinence sont obligatoires le mercredi des Cendres et le Vendredi saint pour ceux qui ont entre 18 et 59 ans, ainsi que l’abstinence de viande et de boisson les vendredis. Les autres jours, tu es libre de manger, mais avec modération.
Comment un catholique doit-il se comporter pendant le temps de carême ?
Le temps de carême est un temps de grâce. Le chrétien catholique, pendant ce temps fort, doit sortir de son confort pour vider en lui ce qui n’est pas Dieu et se remplir de Dieu. Le jeûne doit lui permettre de renouveler sa vie de prière. Cette intimité avec Dieu doit aussi l’amener à poser des actes de miséricorde. Pendant le temps de carême, un chrétien qui jeûne et qui n’est pas capable d’aller rendre visite à un malade, de parler à son voisin, ou qui ne pardonne pas, son jeûne n’a pas de sens. C’est ce que Joël dit : « Déchirez vos cœurs et non pas vos vêtements. » Quand vous jeûnez, on doit sentir le changement en vous. Vous devez proscrire de vos habitudes la colère, le retard au service, la haine, etc. Chacun doit prendre des résolutions et se demander comment il va vivre ce temps de carême.
Quels sont les bienfaits spirituels et moraux que le catholique peut tirer de cette période de pénitence et de prière ?
Les bienfaits spirituels et moraux sont énormes : le carême est un moment favorable pour approfondir notre vie spirituelle en interrogeant la qualité et la sincérité de notre vie quotidienne, de notre agir à l’Église et en société, de notre prière personnelle et communautaire. Il nous aide à faire silence en nous pour être plus à l’écoute de Dieu et du prochain. Pour finir, le temps de carême nous ouvre aux autres et nous aide à vivre dans le partage, l’amour et le pardon.
Quels sont les temps forts du carême dans la tradition catholique ?
Le temps de carême commence le mercredi des Cendres et se termine le Vendredi saint. Mais cela ne fait pas d’eux des temps forts du carême. Tout le temps de carême en lui-même est un temps fort de l’Église, un temps de grâce et de combat spirituel.
Ces dernières années, le carême catholique et le jeûne musulman coïncident. Pensez-vous que cela porte un message particulier pour le peuple burkinabè?
Je vois cela comme une grâce et une chance que nous devons saisir pour prôner davantage le dialogue interreligieux. C’est une coïncidence, mais ce n’est pas une coïncidence hasardeuse. Si les chrétiens et les musulmans sont capables de vivre pendant ce temps dans le jeûne, la prière et le partage, nous aurons la paix pour notre pays. Si nous jeûnons et nous prions mais que nous n’avons pas l’amour du prochain, cela ne sert à rien. Saint Jean dit que si vous aimez Dieu que vous ne voyez pas et que vous n’êtes pas capable d’aimer l’autre que vous voyez, vous êtes des menteurs. Or, les menteurs n’ont pas de place au paradis.
Que pensez-vous des ruptures de jeûne communes entre catholiques et fidèles d’autres religions ?
Chez les musulmans, il y a une heure de jeûne et une heure pour la rupture. Ce n’est pas le cas pour les catholiques. Même si certains catholiques sont influencés par le jeûne musulman. Très souvent, ils posent la question pour savoir à quelle heure il faut jeûner et à quelle heure il faut rompre son jeûne. L’heure à laquelle tu as l’habitude de manger, c’est à cette heure que tu manges. Pour revenir à votre question, je pense que cet acte est louable, car il renforce le vivre-ensemble. Que nous nous associions à eux pour vivre ce temps de rupture, cela renforce les liens de fraternité, de communion et du vivre-ensemble, même s’il n’y a pas un sens spirituel à donner.
Pendant le ramadan, de nombreux prêches sont organisés pour enseigner aux fidèles l’importance de ce mois. Quelles initiatives l’Église met-elle en place pour accompagner les catholiques durant le carême ?
Chaque année, le père archevêque écrit un mot qu’on appelle le mandement de carême à l’adresse des chrétiens de l’archidiocèse de Ouagadougou. Dans toutes les paroisses, il doit être lu afin que tous les chrétiens ainsi que les catéchumènes sachent ce que le père archevêque veut pour ses fidèles. Dans ce mandement, il donne des dispositions aux chrétiens pour mieux vivre ce temps de grâce. Même dans les homélies, on explique aux fidèles ce qu’ils doivent faire pour bénéficier de ce temps de carême. Il y a également des conférences qui sont organisées pendant le temps de carême.
Quel est votre mot de fin ?
Je souhaite un fructueux temps de carême à tous les chrétiens. Je demande à l’Esprit Saint de nous donner la claire vision au quotidien de ce que nous devons faire, mais aussi la force nécessaire pour pouvoir vivre selon sa volonté. Nous sommes appelés à la sainteté, et c’est un combat que nous devons mener. Le temps de carême est donc un temps favorable pour pouvoir mener ce combat.